Two peas in a pod [Valmont & Vasco]

Le hangar #6 de l’astroport d’Esperanza n’était pas très occupé cette journée là, mais comme à l’habitude dans une ville aussi ouverte que celle-ci, l’achalandage était tout de même au rendez-vous. L’odeur de kérosène et d’huile, mélangé aux bruits des outils et des passants était une cacophonie à laquelle Vasco était habitué désormais, qu’il appréciait quand il était obligé de redescendre sur le plancher des vaches.  Il aimait bien cet astroport et la planète en général pour son ouverture et son absence de mines. La simple pensée d’un souterrain lui donnait encore la nausée après toutes ces années. Il était à son aise présentement, ou enfin comme il pouvait être à son aise les deux pieds sur un sol de terre. Assis sur un chaise pliante, une cigarette au bec, devant l’ Occam plein de bosse, il observait les passants. Il avait besoin de trouver un mécano et c’était ça le plus pressant pour pouvoir repartir. Ah oui, et trouver un boulot qui payerait pour manger, mais ça c’est une autre histoire. Il sentait déjà le peu de doublons qui restait de son dernier travail dans sa poche. Son estomac gronda. Focus, Estevao, focus.

Il avait mémorisé le nom et la photo de la majorité des mécanos des environs et dans le pire des cas, il pourrait aller traîner du côté du Runny Amber  et peut être que le barman l’aiderait à trouver quelqu’un. Le problème c’est qu’il n’avait pas envie de laisser son vaisseau là à couler sur le plancher sans surveillance. Alors, il se cherchait quelqu’un qui passerait avec une gueule de mécano. Après tout, ils se ressemblent tous un peu n’est-ce pas ? Oui et les pilotes sont tous des as avec des longues vues. Ce que tu peux être con. Alors qu’il commençait à désespérer, un homme se distingua à ses yeux fouineurs. : Un grand homme, immense comparé à lui, beau garçon mais avec la dégaine un peu sale de quelqu’un qui passe trop de temps dans un hangar ou dans une salle des machines. Il faisait penser aux premiers de classes en ingénierie à l’académie militaire, qui faisait tourner les yeux de cadettes et des professeurs. Ou bien c’est un pirate. Vasco se fichait de pour qui il travaillait. Il avait trouvé un mécano ! Il l’interpella d’une voix forte, un sourire aux lèvres. On lui avait déjà dit qu’il faisait trop confiance aux étrangers et leur bonne foi.

-Ho compadres ! Tu es mécanicien ?

Valmont avait fuit le vaisseau après qu'une avarie moteur eut joyeusement mis la Baleine à quai pour quelques jours. Même pour lui, le bilan était simple : avec la pièce, il pourrait relancer la machine. Mais un remplacement global devait être fait dans pas longtemps, et pour ce que ça valait, un nouveau vaisseau passerait même mieux pour être plus "compétitifs.". Des discussions étaient en cours et sa présence mettant la charmante intendante sur les nerfs, le chef mécano lui avait dit d'aller voir ailleurs s'il y poussait des pièces de turbine.

Les pièces de turbine, ça pouvait pousser dans bien des endroits, mais surtout sur les vaisseaux des autres. C'était pas un truc facile à voler, mais c'était toujours bon de savoir comment la concurrence se portait. Il s'était donc dirigé vers les hangars, regardant ce qui s'y trouvait. Il alluma une cigarette en marchant. Les trucs habituels. Puis un truc moins habituel.

"Queskecestcebordel."

Il s'approcha du vaisseau, pour mieux se faire héler par celui qui semblait être son propriétaire. Il s'approcha, les yeux sur l'appareil.

"Ouais, je suis mécano. Qu'est-ce que t'as foutu avec tes propulseurs ? T'as fait s'accoupler toutes les dernières générations pour voir ce que le bâtard vaudrait ?"

Valmont siffla entre ses dents en entendant la vitesse, il serra la main qu'on lui tendait avec une bonne poigne. Il ne fit aucune réflexion pour le signe impérial un peu brisé que lui adressa le pilote. Il éprouvait déjà une sympathie presque innée pour le pilote, un homme fier de son vaisseau, il ne pouvait qu'apprécier ça.

"Valmont. Mécano de circonstance."

il écrasa sa cigarette sous son talon et rangea le mégot.

" Tu l'as fait un peu souffrir, non ?"

Il sourit franchement quand il entendit le mécanicien siffler avec admiration. Il était en effet très fier de son vaisseau. Il hocha la tête quand son interlocuteur lui donna son nom. Il avait une drôle d’impression que c’était aussi un surnom en fait. Mais, ce n’était pas le moment de déroger de l’objectif. Le mécano éteignit sa clope et Vasco fit de même. Lorsqu’il fit le commentaire sur l’état de son vaisseau, le pilote eut ce qu’on pourrait appeler une imitation d’un sourire contrit. Il n’avait jamais vraiment fait attention à la coquille externe d’un navire. Tant que les pièces intérieures et ce qui le faisait fonctionner était en état, Vasco ne se souciait pas du reste. Il avait autre chose à faire. Il pouvait et devait voler. Il pouvait essayer mille manœuvres ou pousser les limites de ses turbines. Ce vaisseau, c’était son pinceau, et le système Dorado était son canevas. Il faisait confiance à son bâtiment. L’Occam, c’était comme son petit frère, damné soit la coutume d’appeler les vaisseaux comme des filles, ne serait-ce que pour un instant. Il pouvait jouer dur avec son vaisseau. Son sourire contrit disparut pour laisser place à un grand sourire honnête en donnant un coup de poing joueur sur la carlingue :

-Elle n’est pas jolie, mais elle est solide ! Mais, je dois avouer que j’ai un peu trop forcé les moteurs dans une passe de navigation proche de Raa’Tse, et ca a percé un de mes liens hydraulique je crois.

Valmont n'avait que rarement travaillé sur des vaisseaux aussi petits. Il se frotta une barbe mal rasé en s'approchant de la bête.

"T'as laissé un vieux Regulus aussi. C'est pas le mieux. Un nouveau Viper de l'U.C. serait pas mal. Ou investit dans dans un protecteur phasé, y a des vieux modèles impériaux qui traînent parfois... "

Il avait les yeux un peu dans le vague en parlant, puis il réalisa en regardant la gueule de pilote. Non, pas de phasage.

"...mais ça va dériver la puissance que tu pourrais mettre en burst dans les prop, donc non. Évidement. Les liens hydrauliques, donc ? Montre ça que j'te fasse le devis pour mon incroyable expertise."

L’air qu’il avait fait quand le mécano s’était mis à parler de mettre des boucliers sur son vaisseau avait décidément suffi à faire arrêter cette ligne de pensée complètement anathème à l’esprit de Vasco. On n’encaissait pas des coups avec un bouclier quand on était bon pilote : on les évitait, on s’enfuyait habilement ou on les prenait comme un homme, avec la carlingue. Peut-être que tu devrais revoir ta conception de vol. Il fit taire le doute qui avait été implanté par des années à l’académie impériale. Les doutes, ça nuisait à l’imagination, et l’imagination en vol, c’est ce qui le séparait des lagarta, les chenilles en standard, ces pilotes gris et ennuyants qui sortait des écoles de vol.

-C’est que les liens hydrauliques du Regulus sont pas faits pour supporter ce que les propulseurs Valkyrie leur donnent. Tu veux voir un des prototypes les plus neufs pour les propulseurs de vaisseau de cette taille ?

Son enthousiasme par rapport à son bijou était tel, qu’il atténua la souffrance du mot « devis», qui signifiait « estimé » dans son fort intérieur.

Valmont mit ses mains dans ses poches avec un sourire en coin, amusé. Il avait avait prévu le coup, le pilote. C'est sans doute pas la première fois qu'il avait besoin d'un mécano.

"Montre moi ça. Si les anciens sont entièrement foutus, autant les changer directement de toute façon. Si t'as déjà ce qu'il faut, ça arrangerait nos affaires."

Il ausculta un peu la coque. Il y avait de tout. Des impacts d'astéroïdes, des brûlures solaires, de traces de poussière et même... Des traces de suie dû à d'autres propulseurs passés trop près ? Allons donc.

Il suivit le mécano, imitant un peu sa posture maladroitement, mains dans les poches. Il était mal assuré quand il n’était pas à son poste de pilotage. C’était un peu drôle de le voir suivre le mécano, on aurait dit que leur poste était inversé. Après tout, on lui avait déjà dit qu’il avait une tête de mécano, un gabarit de mécano. Les gens avaient une idée si fermé de ce qu’avait l’air un bon pilote. Il observa Valmont ausculter son vaisseau. Il se rappelait de chaque marque, avec un sourire. La marque de suie qui avait attiré le regard de Valmont était due à une partie de poule mouillé où il était passé sous le pont inférieur d’un cargo trinitaire. Le recul photonique de son accélération dans leur sillage avait mis leurs propulseurs en rade, alors il avait sûrement eu à appeler les autorités de leur secteur…les forces de l’union corporatiste. Je sais ce que vous transportez, même si je m’en vante pas. Il sourit avec amusement.

-Ouais, je crois que j’ai de quoi dans le baie de cargaison. J’ai..approprié des liens de couplage sur une ferraille, il y a deux semaines.

C’est un pirate, ce type, il t’en voudra pas. Relax, Vasco.

"Un voleur volant, vous m'en direz tant."

Valmont chantonnait presque en parlant, trop content de sa rime. Il fixait le pilote avec son sourire en coin. Trop pirate pour être honnête, il n'avait pas pensé un instant que prendre quelque chose qui ne nous appartient pas est illégal. Il ne pensait même pas au fait que ce que lui faisait était illégal. Système de pensée décomplexé.

" Emmène-moi voir ça, Vasco-Valkyr. J'voudrais pas me perdre dans ton vaisseau."

Il montra la porte. En le suivant, il continua la conversation sur un ton plus sérieux.

"Ça t'arrive souvent de trouver de la marchandise comme ça ?"

Sans vraiment se faire prier, Vasco prit la direction de l’aire d’embarquement de son vaisseau en sifflant un air populaire. Il n’avait pas grand chance de se perdre dans son vaisseau relativement tubulaire, mais Valmont n’était pas forcément obligé sur toutes les planques de contrebande possibles. La baie de cargaison semblait vide pendant qu’ils passaient par là pour aller vers la salle des machines.

-C’est ici que je range mon bazar habituellement.

La question suivante du pirate ne le surprit pas vraiment, mais ne le dérangeait pas non plus. Ce n’est pas comme s’il se cachait vraiment de son travail secondaire. Écumer les restes des batailles entre pirates et factions, entre factions et factions, c’était probablement ce qui le gardait en l’air plus qu’autre chose. Il répondit donc honnêtement, chose qui ne dérogeait pas de l’ordinaire non plus. Vasco n’était pas un grand menteur. Tu parles.

-Oui, j’ai souvent ce genre de marchandises, c’est plutôt utile comme on voit présentement. Nous y voilà la salle des moteurs

Devant eux, les moteurs Valkyrie, au repos, la seule pièce de l’appareil qui valait quelque chose. Ils étaient très beaux, selon Vasco, un travail d’art.

Valmont força un accent U.C. un peu ridicule en voyant les propulseurs.

"My Oh My."

Il s'approcha et alla voir les panels sur les côtés. Avec des mouvements rapides et fluides, il se familiarisa rapidement avec la console liée aux propulseurs. C'était toujours un peu les même depuis une dizaine d'années. Pour le plaisir, il fit défiler devant ses yeux les différentes caractéristiques des beaux morceaux qu'il avait devant lui. Le sourire d'enfant trop heureux qu'il avait habituellement lorsqu'il faisait ce qu'il aimait s'afficha sur son visage. Ses doigts allaient vite et il lisait rapidement. Finalement, il alla voir ce qui se passait réellement en demandant un examen des systèmes. Le rouge clignotant lui fit faire une grimace.

" C'est quoi les derniers travaux qui ont été faits sur ta coque, tes liaisons hydro et proto ?"

Vasco continua de siffloter en souriant. Il se reconnaissait dans l’enthousiasme de Valmont, c’était évident. Le même genre d’exubérance pour la chose qu’ils aimaient, la même compréhension. Il était quand même bien tombé pour le mécano qu’il avait trouvé. Les mécaniciens de l’armée l’avaient toujours regardé avec morgue dans les yeux, comme des vaches qu’on envoyait à l’abattoir. Il n’avait jamais crashé de vaisseaux pourtant. Pas involontairement du moins. Quand le clignotant rouge s’alluma, Vasco devina instantanément l’expression qui se dessina sur le visage de Valmont.

-Euhh…depuis 1 ans… quand je l’ai eu. Le reste, c’est des bricolages à rabais…

Sa main gratte sa tête un peu mal à l’aise. On lui avait déjà dit qu’il ne portait pas assez attention à son vaisseau. Tant qu’il marche, j’ai pas de problèmes, non ?

-Il y a beaucoup de problèmes ?

Vasco, prince des euphémismes.

"Noooon."

Mensonge grossier. Encore quelques heures de vol et la chance d'exploser en vol devenait une probabilité à deux chiffres. Quelques jours et cela passait à trois, très certainement. Valmont ne répondit pas plus à Vasco, il se contenta de lire en silence les graphiques et autres chiffres que lui présentait le diagnostique système. Il fronçait régulièrement les sourcils, parfois faisait une moue dépitée. C'est trop sérieux qu'il se tourna vers l'impérial. Évidement, pensa-t-il, lorsqu'on greffe de tels engins sur une coque de noix pareil, c'est certain que des compensations doivent être très biens pensées, et surtout ajustées avec un pilote pareil. Toujours silencieux, plongé dans un tas de calculs, Valmont avait le regard fixé sur le pauvre Vasco. Il se grattait la barbe dans un tic et battait même du pied, incapable de rester réellement en place, même dans un processus intense de réflexion. Il sortit enfin de son mutisme en levant un doigt. Puis il leva les autres à mesure qu'il parlait.

"Un. Il y a en effet un soucis dans les liens hydrauliques. Deux. Faut revoir entièrement la répartition de l'énergie des props sur ton Regulus si tu veux pas que ça se reproduise. Trois. Et renforcer des neutro-artères. Quatre. T'as de la chance, je suis le meilleur de ce foutu caillou dans ce domaine et j'ai un cycle de libre. Cinq. Par contre, t'as pas le budget pour moi."

Valmont haussa les épaules avec un sourire-grimace de circonstance.

En quelque sorte, le diagnostic de Valmont était une bonne nouvelle. Si on voyait la chose avec un optimisme sans pareil. Il avait eu de la chance de ne pas exploser, alors il prit ça comme c’était, une bonne nouvelle, car il n’était pas mort. Le mécano semblait connaître son affaire très très bien, alors il était confiant. Cependant, la même petite voix toujours en train de se moquer de lui à l’intérieur lui faisait penser qu’un mécanicien aussi compétent ne serait probablement pas dans ses capacités de payer actuellement. Aussi sûrement qu’une horloge, Valmont énuméra les problèmes à leur situation et chaque doigt levé était comme un clou dans la peau du pilote. Il ne pouvait tout simplement pas supporter de rester au sol trop longtemps. La dernière fois qu’il avait était coincé à terre plus que 5 cycles, il avait commencé à dépérir complètement au bout de 4 cycles. Il chercha une solution frénétiquement dans son cerveau.

Et si on parlait d’un investissement ? Je t’achète ces réparations en échange de ce que tu veux ? Des rabais à long terme, de la marchandise ?

C’était complètement désespéré et on pouvait voir sa peur de rester à terre transparaître dans ses yeux.

Un sourire presque mauvais passa sur le visage de Valmont. Il était un bon gars, au demeurant, mais on ne devient pas pirate sans un peu roublardise. Et on ne survit pas sans vendre la moitié de son âme au diable. Vous croyez quoi ? La flamme ne vient certainement pas de la bonté humaine.

"Fais moi faire un tour sur ton vaisseau une fois les réparations finies. Je veux étudier un peu ces propulseurs en situation réelle. Je veux aussi un rabais, et être le premier au courant des parties que tu trouverais ici et là."

Il fermait le diagnostique d'une main.

"Oh, et si notre collaboration continue, j'aimerais aussi que tu fasses une faveur sur tes prix auprès de mon capitaine s'il venait à avoir du travail pour toi."

Le pilote pouvait être un atout intéressant à avoir dans la manche pour l'Iceberg, mais pour Vasco, c'était travailler directement avec des pirates. Adieu semblant de légalité.

Les conditions de Valmont n’étaient vraiment pas si mal. Évidemment, c’était un prix fait sans appel, c’est normal, le pirate avait le gros bout du bâton, considérant que Vasco voulait retourner dans l’espace assez vite. Mais, c’était très raisonnable. Il ne serait pas trop dur de payer cette dette, surtout s’il pouvait bénéficier d’un mécanicien aussi compétent que celui-ci avait l’air. On ne diagnostiquait pas un vaisseau aussi rapidement sans être excellent. L’homme en face de lui semblait avoir la même idée, car il mentionna une collaboration continue avec un capitaine. Bon, les suppositions de Vasco semblaient se concrétiser.

-Juste pour la forme, ton capitaine, c’est un pirate n’est-ce pas?

Il n’y avait pas de jugements dans sa voix, ni de peur. Il voulait simplement savoir avec qui il travaillait. Il n’attendit même pas la réponse pour acquiescer aux demandes du mécano.

-En fait, pas la peine. Je suis entièrement d’accord. Tope-là ? J’ai hâte de pouvoir te montrer ce qu’elle a dans le ventre.

"Non, mon capitaine, c'est le premier commandant des F.I. Un chic type. Señor Paindantaguello."

Valmont goûta le silence de malaise que sa blague avait laissé dans l'air et continua.

"Oui, c'est un pirate. Comme moi. Comme toi, un petit peu. Mais par contre, il est bien impérial, vous pourrez causer dans votre langue."

Il se dirigea vers la sortie.

"J'vais chercher mes outils en essayant de pas me faire buter par l'intendante en passant. Les moa't ont sale caractère quand même. J'peux pioncer ici ce soir d'ailleurs ? Mets moi un matelas dans un coin pour mon retour, ce serait bien. Si tu me laisses dormir en ville, je sais pas quand est-ce qu'elles me laisseront partir. Et sur mon vaisseau, ils veulent être tranquilles, paraît."

Pas besoin de faire un dessin, hein.

Il sourit, un peu malaisé par la blague de Valmont. Il ne connaissait pas tant cet homme encore et le sourire lui paraissait une bonne parade. Il eut gain de cause quand le mécanicien lui fit presque un clin d'oeil et lui confirma ses soupçons. Était-il prêt à travailler pour des pirates ? Il avait participé à de multiples attaques contre des vaisseaux pirates pour protéger des transports. Valmont semblait être un bon diable, un être humain de bonne conscience, mais était-il associé à des gens qui n'étaient pas ce genre ? Il secoua la tête. Il fallait faire des compromis pour pouvoir voler en toute impunité et en toute indépendance. Il pouvait être optimiste. Il avait rencontré un mécanicien qui serait un atout essentiel pour le pilote. Il haussa les sourcils quand Valmont s'invita à rester dans le Rasoir d'Occam. Vasco n'y voyait que peu de problèmes, mais il trouvait étrange que des membres d'équipage cherchaient à s'entretuer. Qu'est-ce qu'ils auraient fait dans l'armée... Bonne chose pour eux Il ne connaissait pas vraiment de Mo'ats, alors il prit le trinitaire aux mots.

Bien sûr, je te fais une place. J'ai pas vraiment de matelas, mais je dois avoir un hamac de surplus...enfin je crois. Il y a des officiers à toi en ville ?

L'ignorance du jeune homme était tout simplement charmante. Il ne s'était jamais vraiment pris aux sorties nocturnes de ses compagnons d'académie, plus occupé à maîtriser et inventer toute sorte de manoeuvre.

"Hamac ? Très bien ça. Très bien."

Il se sorti une deuxième cigarette en se dirigeant vers la sortie.

"Des officiers à moi ? Pourquoi y aurais des officier à moi en vi.... Ah. Sérieusement ? "

Il alla frappe Vasco entre les omoplates, un coup sympathique.

"Je parle des femmes, mon grand. Celles qui t'emmènent jusqu'au matin vers des berges lointaines. "

Il parlait avec un air rêveur en secouant sa cigarette éteinte.

Oh. Valmont s'arrêta et fixa Vasco comme s'il était sorti d'un trou noir. Le coup dans les omoplates et le sourire qui semblait accolé à celui-ci surprit le jeune pilote. Il n'y avait pas vraiment de cour pour lui. On avait cherché à lui inculquer les mérites du minage dès son plus jeune âge et il avait découvert l'euphorie du vol bien avant que ses hormones ne soient du voyage. En quelque sorte, Vasco n'avait jamais vraiment attiré par une fille ou un garçon. Il remarquait que certains et certaines d'entre eux étaient très attirants et attirantes, mais tout cela était sublimé chez lui par la passion du vol. Tout sentiment ressentir était instinctivement comparé à la vitesse et l'allégresse du vol, jugé comme pas à la hauteur et repoussé. Il haussa les épaules, un peu désolé pour Valmont de ne pas vraiment pouvoir le comprendre.

-Je sais pas comment tu fais pour passer du temps avec elles aussi longtemps. Je me lasserais à ta place.

Il avait déjà fait l'exercice une fois auparavant. Pas extrêmement satisfaisant. Il sourit, un peu maladroit.

-Je suis content d'avoir ton expertise pour mon vaisseau !

Et là, Valmont manqua de se frapper le front avec une force si cosmique qui aurait réveillé Calypso elle-même. Il hocha la tête et partit. Et il revint une demi heure plus tard avec deux caisses à outil et un air qui n'avait absolument pas changé depuis la réponse que lui avait donné Vasco précédemment. Quelque chose entre la peine, la stupéfaction et le "bordeldequoi". Une face assez explicite, finalement.

Il posa ses caisses, ouvrit l'une d'elle qui contenait un audacieux compartiment pour une flasque, bu une gorgée et pointa du doigt le pilote.

"Donc. Tes passions dans la vie, c'est quoi ?"

Si c'est pas les femmes avec leurs gestes pleins de charmes ou les hommes avec leur... Whatever. Leurs pectoraux pleins d'hormones. Tu peux pas être QUE dans la vitesse. Passion macramé peut-être ? Surprends nous, tricot ?

Valmont semblait troublé quand il était parti du vaisseau. Vasco eut soudainement peur que le mécano ne revienne pas à bord. Le pilote cherchait ce qui avait pu causer ce genre de réaction et après y avoir penser pendant plusieurs minutes, il arriva à la conclusion plutôt simple que Valmont ne comprenait pas comment on pouvait ne pas être intéressé par le sexe en général. C'était la seule explication qui faisait du sens. Malheureusement pour le mécanicien, qui revint avec ses outils au plus grand soulagement de Vasco, le jeune impérial n'avait pas vraiment de bonnes explications à lui fournir. Alors, lorsque Valmont lui demanda quelles étaient ses passions, il n'avait qu'une seule chose à dire.

-Mes passions ? J'ai jamais vraiment eu le temps d'y penser, mais c'est sur que de voler et de voyager dans l'espace, c'est ce qui me fait sentir le mieux au monde.

Il eut un moment de réflexion. Il se doutait que ça ne serait pas vraiment suffisant pour le mécanicien, qui s'attendait à plus. Dans la sincérité complète qui caractérisait sa personnalité, Vasco laissa aller une simple explication par la suite, comme pour ponctuer sa réponse.

- Je n'ai jamais eu le temps d'aimer autre chose. Le vol, c'est ce qui m'a sauvé, ce qui a empêché que l'on m'enterre au fond d'une mine.

Valmont jonglait autant qu'il choisissait ses outils. Il rangea la fiole et s'équipa tranquillement. Il brancha une sorte de moniteur à la console avec laquelle il jouait plus tôt. Il laissa le diagnostique charger en remontant un fer à souder plasma. Il écoutait le jeune pilote tandis qu'il parlait tout de même, la réparation était comme une seconde nature pour lui. Voler uniquement ? Pourquoi être aussi passionné ? Valmont aimait la réparation plus que tout, mais jamais elle ne pourrait le définir à ce point. Les contours du personnage commençaient à se former lentement, comme une ombre aqueuse.

"Ça t'a sauvé, hein."

Valmont, sans rien rajouter, ouvrit une trappe au sol, découvrant une poignée et fit coulisser un panneau pour s'y glisser. Il ferma manuellement des vannes à l'intérieur. Il continua la discussion juste en parlant plus fort.

"T'enterrer dans une mine ? Comment ça ?"

Vasco était pensif pendant qu'il regardait Valmont travailler sur la réparation de son vaisseau. Le type connaissait son affaire, le pilote s'en rendait compte à chaque fois qu'il voyait le trinitaire ajuster une valve ou commencer des diagnostics sans vraiment les regarder. Il pouvait sans doute faire quelques réparations sur son vaisseau, mais ce n'était jamais avec tant d'aisance et avec autant de succès. Le type pouvait même discuter en faisant tout ce qu'il faisait, comme un vrai pro. Il reconnaissait cela, car il faisait la même chose en pilotant. Ce n'était pas de la vantardise si c'était vrai et avéré après tout. Il entendit la réponse de Valmont avec un bruit de canne, considérant qu'il était dans les entrailles de son vaisseau. Pouvait-il dire à quelqu'un son origine ? Il n'était plus dans l'armée, les soldats ne le regarderaient pas de haut...

-Je suis né dans une famille de mineurs. Mes parents, leurs parents et leurs grands-parents ont toujours minés sur Obscuro. Et personne ne lève les yeux. Pour eux, une mine, c'est un terrain de jeu pour un enfant.